Pourquoi et comment favoriser le réemploi ?
Quand on est maître d'ouvrage public
Dans un contexte où le secteur du bâtiment et des travaux publics est à l’origine de la majeure partie des déchets produits en France, les maîtres d’ouvrages ont un rôle essentiel à jouer dans la mise en place d’une économie circulaire, notamment via une meilleure prévention et gestion des déchets.
Le réemploi des matériaux de construction constitue à ce titre une solution particulièrement efficace.
Bien que parfois perçu comme une contrainte par les acteurs de la construction, il présente pourtant de réels avantages.
Le réemploi, quésako ?
Quels enjeux liés au réemploi des déchets du BTP ?
Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) génère à lui seul les trois-quarts des déchets produits en France.
En 2017, selon les chiffres de l’ADEME, 224 millions de tonnes de déchets du BTP ont ainsi été générés sur 326 millions de tonnes au total.
Les déchets du BTP sont constitués en majeure partie de matières inertes (béton, briques, ardoises, etc.) sans danger pour la santé humaine.
Ces déchets représentent un gisement important de matières premières à valoriser, notamment par le biais du réemploi.
Pourtant, bien que le taux de valorisation de ces matières inertes atteigne environ 74%, le taux de réemploi reste encore minime à l’heure actuelle (moins de 1% des déchets du bâtiment selon l’ADEME).
De même, les déchets non dangereux non inertes (DNDNI) sont encore très peu valorisés en pratique (à l’exception du bois et des métaux).
Déchets non dangereux inertes (DNDI) | Déchets non dangereux non inertes (DNDDI) |
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Déchets non dangereux inertes (DNDI)
Déchets ne subissant aucune modification physique, chimique ou biologique importante, ne se décomposant pas, ne brûlant pas, ne produisant aucune réaction physique ou chimique, non biodégradables et ne détériorant pas les matières avec lesquelles ils entrent en contact d’une manière susceptible d’entraîner des atteintes à l’environnement ou à la santé humaine
Ex : déchets de béton, de briques, de tuiles |
Déchets non dangereux non inertes (DNDDI)
Déchets ne représentant aucune des propriétés qui rendent un déchet dangereux
Ex : bois, métaux, plâtre, fenêtres |
La hiérarchie des 3RV (Réduction, Réemploi, Recyclage et. Valorisation)
Cette hiérarchie est une règle d’or.
Car, le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas.
Dès lors, la priorité doit être donnée à la prévention des déchets.
Le réemploi s’inscrit totalement dans cette démarche car les matériaux, équipements ou produits de construction réemployés ne sont pas qualifiés de déchets mais conservent leur statut de produit (article L541-4-4 C. env.).
Ensuite, lorsque le réemploi est impossible, le recyclage ou toute autre action de valorisation doit être privilégié (article L541-1 C. env.).
La petite précision
Selon l’ADEME, en 2020, 29% des déchets non dangereux du bâtiment étaient utilisés en remblaiement de carrière, 38% étaient recyclés et 2% valorisés énergétiquement.
Enfin, l’élimination doit être envisagée en dernier ressort. Les déchets doivent alors être envoyés dans une installation de stockage autorisée à les prendre en charge.
Maîtres d’ouvrages publics : pourquoi favoriser le réemploi des déchets du BTP ?
Réemploi des déchets du BTP : quels avantages pour les maîtres d’ouvrage publics ?
Le réemploi représente une solution intéressante d’un point de vue environnemental mais aussi socio-économique pour les acteurs de la construction.
Il permet ainsi :
- une réduction des déchets générés sur le chantier et des coûts associés à leur gestion ;
- une préservation des savoir-faire et des filières d’emplois locales ;
- une réduction de l’impact environnemental de l’opération de construction ou de rénovation en limitant les émissions liées à l’extraction de nouvelles matières premières, leur transformation et leur transport.
Enfin, à l’heure de l’augmentation majeure des écocontributions sur les matériaux neufs de construction et de la flambée générale des prix, le réemploi apporte des solutions techniques durables à un coût équivalent (ou presque équivalent).
Une obligation réglementaire
Depuis la loi Agec, le réemploi constitue aussi une réelle obligation pour certains acheteurs publics, à savoir pour l’État, les collectivités territoriales et leurs groupements.
Cette obligation s’applique en pourcentage du montant total HT de l’achat de chaque produit ou catégorie de produits sur l’année civile.
En annexe du décret n° 2021-254 du 9 mars 2021, est d’ailleurs mentionnée la proportion minimale de produits issus du réemploi, de la réutilisation ou incorporant des matières recyclées devant être acquise par les acheteurs sur chaque produit ou catégorie de produits concernés par l’obligation.
Par ailleurs, depuis le 1er juillet 2023, le nouveau diagnostic “Produit Equipement Matériaux Déchets” (PEMD) intègre pleinement la notion de réemploi.
Ainsi, ce diagnostic oblige, dans certains cas, les maîtres d’ouvrage, à anticiper les possibilités de réemploi des matériaux générés par certaines de leurs opérations.
Ces opérations sont celles visant la démolition ou la rénovation significative de bâtiments, plus précisément :
- Celles dont la surface cumulée excède 1000 m2 ; ou
- Celles visant au moins un bâtiment ayant accueilli une activité agricole, industrielle ou commerciale et ayant été le siège d’une utilisation, d’un stockage, d’une fabrication ou d’une distribution d’une ou plusieurs substances classées comme dangereuses en application de l’article R4411-6 du Code du travail (Code de la construction et de l’habitation, article R126-8).
La petite précision
ce diagnostic fait suite au diagnostic déchets (issus des travaux de démolition et de réhabilitation significative) jugé insuffisant pour mener une démarche de réemploi. En pratique, ce diagnostic déchets était souvent complété par un diagnostic « Ressources » qui permettait justement d’aller plus loin sur l’identification des produits, matériaux et équipements susceptibles d’être réemployés.
Ce nouveau diagnostic prend la forme d’un formulaire CERFA n° 16287*01 (arrêté du 26 mars 2023).
Pour télécharger le formulaire, cliquez ici.
Enfin, rappelons qu’à partir d’août 2026, les acheteurs publics devront obligatoirement prendre en compte l’environnement à tous les stades de leurs achats (préparation – passation – exécution).
Le réemploi des matériaux constitue donc une voie particulièrement intéressante pour se conformer à ces obligations futures.
Pour aller plus loin, consultez notre article sur la loi Climat et résilience.
Concrètement, comment procéder ?
Nous l’avons vu : Le diagnostic PEMD permet de cibler les produits, matériaux et équipements du bâtiment susceptibles d’être réemployés.
Ce document est ainsi précieux pour anticiper les produits pouvant être réemployés in situ (c’est-à-dire, sur la même opération, s’il est possible d’assurer des conditions de stockage optimales) ou ex situ (c’est-à-dire, sur une autre opération).
Au-delà du diagnostic PEMD, pour assurer la réussite du projet, les maîtres d’ouvrages publics souhaitant favoriser le réemploi de matériaux sur leurs opérations vont mobiliser l’ensemble des acteurs pour atteindre leurs objectifs (maître d’œuvre, entreprises de travaux, assureurs…).
Cela passe également par une adaptation des cahiers des charges afin de penser réemploi avant matériau neuf.
Par ailleurs, avant de formuler un tel objectif de réemploi, il est nécessaire d’étudier en détail le marché du réemploi sur le territoire : revendeurs professionnels et matériaux pris en charge, quantité de matériaux disponibles, etc. Cela permettra notamment d’adapter au mieux l’objectif de réemploi à la réalité du marché afin de limiter les contraintes et incertitudes.
Dans cette démarche, les maîtres d’ouvrage ont tout intérêt à se former et se faire accompagner par des professionnels (tel qu’un assistant à maîtrise d’ouvrage réemploi) possédant une expérience en la matière et qui pourront l’aider à identifier les opportunités et freins existants.
La petite précision
Le site internet OPALIS vise à faciliter le recours à des matériaux de réemploi dans les projets de construction et de rénovation en proposant notamment un annuaire des opérateurs professionnels qui vendent des matériaux de construction issus du réemploi.
Il met également à disposition des maîtres d’ouvrage une brochure visant à les accompagner dans l’intégration du principe du réemploi dans leurs projets de construction et de rénovation.
Le réemploi… Quid de la commande publique ?
Nombreux sont les maîtres d’ouvrage publics qui s’interrogent sur la compatibilité du réemploi avec le droit de la commande publique.
Pourtant, avec un minimum d’anticipation, ce droit offre des outils tout à fait compatibles avec la mise en place d’une démarche de réemploi efficace.
Vous souhaitez aller plus loin et mettre en œuvre les outils du droit de la commande publique au service d’un projet de réemploi ?
Contactez-nous ! Nous vous transmettrons alors notre programme de formation intitulé « La commande publique à l’ère du réemploi ».