Les leviers efficaces pour performer ses achats
TOUT EN EVITANT LE SAUCISSONNAGE
Nombreux sont les acheteurs qui ont été confrontés à la pratique du saucissonnage.
Cette pratique interdite consiste à découper artificiellement un besoin en plusieurs achats de faibles montants.
Ces achats successifs conduisent donc l’acheteur à mettre en œuvre des modalités de mise en concurrence moins contraignantes et donc à contourner les règles de la commande publique, notamment celles sur le calcul des seuils de procédure.
Outre les risques juridiques auxquels l’acheteur s’expose, le saucissonnage impacte significativement la performance de l’achat.
Face à de tels enjeux, il appartient à l’acheteur de se prémunir.
Pour éviter les achats successifs « saucissonnés », l’acheteur peut agir de plusieurs façons :
- Anticiper et définir le juste besoin ;
- Intégrer des leviers de flexibilité.
Focus sur deux méthodes garanties anti-saucissonnage.
Action n°1 : Anticiper et définir le juste besoin
Le recours au saucissonnage est généralement pratiqué involontairement par les acheteurs publics.
Le manque de prévisibilité quant aux achats à venir, l’incertitude concernant leurs projets ou l’imprécision de leurs besoins les conduisent à recourir à des opérations d’achats successives et donc à la pratique interdite du saucissonnage.
Programmer ses achats constitue l’un des meilleurs remparts contre le saucissonnage.
Via la planification des achats, les acheteurs programment une ou plusieurs fois par an les achats devant être passés par les différentes directions.
La planification assure ainsi aux acheteurs une vision globale des commandes prévues ou envisagées.
Cette démarche est ainsi l’occasion de regrouper les achats présentant des caractéristiques communes ou s’intégrant dans un même projet, afin d’optimiser les coûts.
En planifiant ses achats, l’acheteur stratège organise donc son calendrier de façon à :
- Définir ses besoins
- Étudier le marché
- Préparer les documents contractuels
- Veiller au respect des obligations de mise en concurrence et de publicité
Cette planification est une étape incontournable au service de la performance des achats.
Comment mener à bien la planification de vos achats ?
La programmation des achats recense (souvent sur une année) les achats prévus ou envisagés.
Généralement élaborée à chaque cycle budgétaire, cette programmation détaille :
- la nature des besoins de l’entité,
- l’objet de l’achat,
- le montant envisagé de la dépense,
- la durée du besoin,
- les dates de livraison ou d’exécution des prestations attendues.
La définition de ce programme d’achat repose sur 4 étapes fondamentales, à savoir :
Recenser l’ensemble des achats arrivant à terme
et définir leur renouvellement éventuel ainsi que leurs conditions
Identifier les achats « nouveaux » nécessaires
Regrouper les achats
correspondants à un besoin homogène ou participant à un projet commun
Planifier les dates de publication des achats
selon ces regroupements
La programmation des achats :
- améliore donc la prévisibilité des contractualisations,
- encourage l’anticipation des mises en concurrence, et,
- permet de disposer du temps nécessaire à la définition des besoins.
N’est-ce pas, d’ailleurs, le Code de la commande publique lui-même qui impose aux acheteurs de définir avec précision leurs besoins ?
En pratique, cette définition du juste besoin implique :
Pour les prestations certaines
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Pour les prestations incertaines, supplémentaires ou modificatives
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de dimensionner avec rigueur les exigences et quantités nécessaires à la bonne exécution du marché
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d'anticiper les évolutions éventuelles du besoin et les risques potentiels
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Ce travail d’anticipation va aider l’acheteur à agir de façon stratège.
L’acheteur pourra ainsi sélectionner avec soin les outils adaptés à ses contraintes (marchés à tranches ferme et optionnelles, accords-cadres, prestations supplémentaires éventuelles…).
Ces outils sont de véritables leviers de flexibilité.
Action n°2 : Intégrer des leviers de flexibilité
Nous venons de le voir : la phase d’analyse des besoins permet d’identifier les évolutions potentielles pouvant survenir lors de l’exécution des marchés.
Cette anticipation est l’opportunité pour l’acheteur d’adapter sa stratégie d’achats.
Grâce à ces leviers, l’acheteur pourra faire évoluer les quantités nécessaires, les prestations attendues ou encore le périmètre du marché, dans le pur respect du droit de la commande publique.
Levier de flexibilité n°1 : Les accords-cadres
Le risque de « saucissonnage » est présent lorsque l’acheteur réalise plusieurs achats successifs pour des besoins homogènes.
Cela arrive notamment lorsque l’acheteur avait des doutes au départ sur la définition exacte de son besoin.
En effet, lors de la préparation des achats, certains acheteurs ignorent encore à ce stade les quantités nécessaires ou manquent de précision sur les caractéristiques.
Pour répondre à cette problématique, l’accord-cadre est une solution tout à fait efficace.
Cette forme de marché offre à l’acheteur une certaine souplesse sur le niveau de précision attendu au stade de la consultation.
Ainsi, pour un accord-cadre à bons de commandes, par exemple, l’acheteur se limitera à définir avec précision la nature et les modalités d’exécution des prestations sans indiquer les quantités qui seront effectivement commandées.
Pendant l’exécution de l’accord-cadre, l'acheteur pourra passer des commandes successives selon les quantités finalement nécessaires.
Levier de flexibilité n°2 : le système d’acquisition dynamique
En cas d’achats récurrents, le Code de la commande publique permet à l’acheteur de solliciter successivement un panel évolutif d’entreprises, grâce au système d’acquisition dynamique (SAD).
Avec le SAD, l’acheteur encadre des achats récurrents de travaux, fournitures et services courants considérés homogènes.
Contrairement à l’accord-cadre, le SAD est un dispositif ouvert permettant aux entreprises de déposer leur candidature tout au long de la période de validité du système.
Le panel d’entreprises présélectionnées évolue donc, ce qui renforce une concurrence saine.
Lors de la survenance des besoins, l’acheteur invite les entreprises à remettre une offre.
Cette procédure de sélection des candidatures initiales permet alors aux acheteurs de bénéficier d’une plus grande réactivité lors de l’apparition des besoins.
Le SAD favorise une large remise en concurrence des entreprises et contribue ainsi à la performance achat.
Levier de flexibilité n°3 : Les prestations supplémentaires éventuelles (PSE) et tranches optionnelles
Il arrive que l’acheteur ait un doute quant à l’évolution de ses besoins.
Pour éviter tout reproche quant à la conclusion d’achats successifs dans le cadre d’une même mission, le Code de la commande publique permet à l’acheteur de prévoir des prestations qu’il n’est pas sûr de commander mais qu’il pourra actionner soit à l’attribution, soit en cours d’exécution.
En effet, le montant de ces prestations incertaines aura été intégré dans le calcul du montant estimatif du marché et, par voie de conséquence, dans les seuils de procédures et de publicité.
Ainsi, lorsque l’acheteur n’est pas certain de commander certaines prestations, deux solutions s’offrent à lui :
Cas n°1 | Cas n°2 |
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Cas n°1
Si l’élément déclencheur d’une telle commande réside notamment dans la nature des propositions qui seront faites par les candidats, il peut recourir aux « prestations supplémentaires éventuelles ».
Grâce à ce mécanisme, l’acheteur assure la commande de l’offre de base lors de l’attribution du marché tout en s’offrant la faculté de commander, au même moment, des prestations supplémentaires. |
Cas n°2
Si le doute de l’acheteur dépend plutôt de circonstances économiques, techniques, politiques ou financières l’empêchant de s’engager dès l’attribution sur la totalité de l’achat, il aura alors plutôt intérêt à recourir au « marché à tranches ».
Un marché à tranches est composé d’une tranche ferme et d’une ou plusieurs tranches optionnelles. Le marché à tranches autorise l’acheteur à :
Ce mécanisme est particulièrement adapté pour les projets composés de plusieurs étapes, et dont l’affermissement des unes dépend de l’exécution des précédentes. |
Ce qu’il faut retenir
Pour éloigner les acheteurs des sirènes parfois tentantes du saucissonnage, le Code de la commande publique offre des outils contractuels fiables, sécurisants et flexibles.
Mais leur mise en œuvre nécessite une bonne anticipation des besoins de la part des acheteurs.
Pour réussir cette démarche, une communication fluide entre les acheteurs et prescripteurs est un prérequis essentiel.
1 Article L2125-1 du Code de la commande publique et suivants
2 Article L2125-1 du Code de la commande publique et suivants